ScèneInterview

Alessandra Sublet : «Aujourd’hui, je suis en quête de sens !»

En 2022, l’animatrice française annonçait sa décision de quitter les plateaux de télévision. Un an plus tard, on la retrouvera sur les planches du Théâtre du Chêne Noir, à Avignon (7-29 juillet) avec un spectacle très personnel: Tous les risques n’auront pas la saveur du succès. Entretien exclusif avec une femme qui n’a jamais parue aussi épanouie.

Depuis une année, Alessandra Sublet a disparu des radars. En avril 2022, elle avait annoncé son envie de prendre de la distance avec son métier d’animatrice et de quitter ces plateaux TV qu’elle a fréquentés pendant près de vingt ans. Depuis, le PAF n’est plus tout à fait pareil, sans son rire si spontané, sans sa bonne humeur communicative et sans cette belle énergie qui en a fait l’une des personnalités les plus appréciées de la télévision. Et puis, le 26 avril, sur son compte Instagram, la Lyonnaise a levé le voile sur son prochain projet: un spectacle, ou plutôt un «seule en scène», sur les planches du Chêne Noir à Avignon, pendant le festival: Tous les risques n’auront pas la saveur du succès. Quelle mouche l’a piquée? D’où vient ce besoin d’affronter le public, dans l’un des bastions du théâtre? Autant le lui demander!

Au téléphone, je retrouve Alessandra Sublet avec un certain bonheur. Au son de sa voix, on sent une femme épanouie, sûre de son choix. Son rire – ce fameux rire – vient souvent ponctuer ses phrases, comme pour bien montrer que ces douze mois loin des projecteurs ne l’avaient pas frustrée. Non, c’est même mieux que ça! Elle profite pleinement de cette nouvelle existence faite de sens, loin de Paris, où elle se sent en phase avec elle-même et avec ses convictions. À 46 ans, et contre toute attente, elle a choisi de prendre un virage à 360 degrés, faisant fi du qu’en-dira-t-on. Elle le dit, et le répétera plusieurs fois au cours de l’entretien, elle n’a jamais eu pour vocation de devenir comédienne, ni d’être reconnue en tant que telle. Sa démarche est plus humble: elle a juste l’envie de partager ses expériences de vie avec les gens, avec tous ces téléspectateurs qui l’ont suivie au long de sa carrière. Sans fard. Sans chichi. Juste eux et elle. D’ailleurs, Alessandra Sublet a décidé de ne pas faire trop de promotion pour ce spectacle. «Je ne me sens pas très à l’aise dans cet exercice», se justifie celle qui a interviewé tant de célébrités par le passé. En exclusivité, et avec la spontanéité et l’authenticité qui la caractérisent, elle a pourtant choisi de se confier à notre magazine et d’évoquer sa nouvelle vie loin des caméras de télévision.

En 2022, Alessandra Sublet (ici avec Théo Curin) a accepté de tourner dans le téléfilm de Stéphanie Pillonca, Handigang. «Je savais que ce rôle allait résonner dans la tête des gens.». Photo : FRANÇOIS ROELANTS


OFF: Comment est né ce projet de pièce?
Alessandra Sublet: J’ai toujours aimé écrire. J’ai d’ailleurs publié deux livres inspirés de ma vie personnelle. Et je me suis rendue compte que, lorsqu’on parle de soi, lorsqu’on partage ses expériences, cela résonne chez les autres et, parfois, ça fait même du bien. C’est peut-être l’une des vertus de la notoriété… Et puis, j’ai toujours eu en tête de pouvoir parler aux gens «pour de vrai», sans pour autant imaginer monter sur scène. J’ai donc écrit ce «seule en scène» de manière instinctive et les choses se sont enchaînées naturellement. Un jour, Jean-Marc Dumontet, producteur de C’est Canteloup sur TF1, m’a demandé quels étaient mes projets, je lui ai parlé de ce texte, je le lui ai fait lire et il m’a dit: «Il y a beaucoup de travail, mais c’est bien, on va le faire ensemble». Voilà! (rires)

«J’ai toujours aimé me poser, réfléchir, prendre le temps, pour aller dans le sens profond des choses.»

OFF: Pourquoi l’écriture est-elle si importante dans votre vie?
AS: Je vais être honnête avec vous: ça me fait du bien, tout simplement! Je parle pour moi, mais il y a quelque chose de thérapeutique dans l’écriture. On comprend mieux le sens des mots quand on les couche, quand on fait accoucher sa pensée. J’ai toujours aimé me poser, réfléchir, prendre le temps, pour aller dans le sens plus profond des choses. Et c’est certainement l’une des raisons pour laquelle j’ai pris la décision d’arrêter la télévision. Quand on commence à mûrir ses pensées, on a soif de changement, on cherche à aller vers ce qui est utile et profond. J’ai ressenti ce besoin de me recentrer, de me reconstruire différemment, parce que cela correspondait à la personne que j’étais devenue.

OFF: Cette décision de quitter le petit écran a-t-elle été difficile à prendre?
AS: Non. Parce qu’au moment où l’information est devenue officielle, cela faisait plus d’un an et demi que je la mûrissais. Ce moment a correspondu à un changement de vie personnelle, et, à mes yeux, c’était une suite logique. Les gens ont cru que c’était une lubie passagère, mais tout était mûrement réfléchi depuis longtemps. Ce «seule en scène» m’a d’ailleurs beaucoup apporté, parce qu’il m’a permis d’aller au bout de cette réflexion. Le vrai choix à faire, ensuite, c’était de savoir si c’était moi qui le jouerais ou pas…

OFF: Est-ce qu’on a essayé de vous faire changer d’avis?
AS: Personne n’essaie de vous faire changer d’avis, mais on vous demande pourquoi le faire maintenant, après vingt ans de carrière. Mais j’étais résolument sûre de ma décision, d’autant plus que j’ai fait ce qu’il y a de mieux à la télévision. Quand je regarde mon parcours, je me dis que j’ai eu beaucoup de chance, surtout pour quelqu’un qui ne faisait pas partie du sérail: j’ai beaucoup travaillé, j’ai présenté des émissions extraordinaires… J’aurais eu très peur de quitter ce métier dans la frustration. Du moment qu’une autre voie se présentait naturellement à moi, c’était le moment de partir

OFF: Vous l’avez raconté dans votre livre J’emmerde Cendrillon: vous êtes devenue animatrice par hasard. Vous confirmez?
AS: On est bien d’accord. (rires) Et c’est peut-être pour ça que je n’ai pas eu trop de mal à quitter ce métier… Je n’ai jamais rêvé de télévision. Quand j’étais petite, nous ne la regardions pas à la maison: le poste était fermé à clé dans un meuble et nous n’avions pas la clé. J’étais plus curieuse du métier de journaliste de terrain, j’avais des envies de voyage. Alors, quand je dis que le métier d’animatrice est venu à moi, c’est vrai! C’est ce qui m’a sauvée, par rapport au recul qu’il faut avoir sur ce que l’on est, sur la notoriété. Quand on est mis sous la lumière, ce n’est pas anodin, cela peut faire beaucoup de mal. Moi, j’ai eu de la chance d’avoir été bien construite par deux parents qui avaient la tête sur les épaules. Je ne suis tombée dans aucun travers, sincèrement, et pour avoir interviewé tous mes collègues dans l’émission C à vous, sur France 5, je peux dire que nous ne sommes pas tous égaux face à la célébrité et à l’absence de lumière. Cela fait plus d’un an que je ne suis plus sous les sunlights et je trouve que j’ai une très jolie vie. (rires)

OFF: Ce qu’on remarque également dans votre carrière, c’est que vous refusez d’être limitée à une seule case…
AS: Mais personne n’aime être mis dans une case. C’est d’ailleurs l’un des sujets de mon spectacle: faire comprendre aux gens qu’il n’y a pas de case! En fait, cela fait partie des injonctions de la société: on a décidé certaines choses et tout le monde s’y plie. Pourquoi? Il y a des règles et des lois que nous devons respecter, certes, mais il n’y a aucune loi qui vous interdit de sauter de case en case. C’est important de le comprendre. Cela vous permet de vous balader dans plein d’univers et, peut-être, de vous révéler dans une vocation ou une passion qui vous paraissait inenvisageable. J’ai choisi de passer à la scène. Est-ce que cela signifie que je devrai faire profil bas pendant dix ans pour avoir une certaine légitimité? Non. Je vais travailler pour y arriver. Où est le problème?

«Savoir faire des choix est l’une des qualités les plus extraordinaires qu’on puisse avoir.»

OFF: Prendre des risques… C’est le thème central de votre spectacle. Vous en avez pris beaucoup dans votre carrière, vous avez même parfois menti pour obtenir un job. Cela fait partie de votre personnalité?
AS: Savoir faire des choix est peut-être l’une des qualités les plus extraordinaires qu’on puisse avoir. Si on sait faire des choix dans sa vie, on avance plus vite que les autres… Et, même si on échoue, ce n’est pas grave, parce que cet échec vous amènera à la prochaine réussite. La vie est comme une course d’obstacles, il faut savoir rebondir constamment. En définitive, nous sommes tous une addition d’erreurs. Moi-même, il m’est arrivé de me planter, de pleurer, mais tous mes échecs m’ont apporté quelque chose.

OFF: Pour vous, quel est le choix le plus difficile que vous ayiez fait dans votre vie?
AS: Bonne question. Il y en a deux… Le premier, c’est le choix de faire des enfants. J’en ai eu deux et c’est la raison pour laquelle ma vie professionnelle a été si chaotique: je me suis arrêtée deux fois pour m’occuper d’eux. Mais ils ont aussi été à la source de ma réflexion pour mes deux livres. T’as le blues, baby? (ndlr. chez Flammarion en 2013) parle de ma dépression après la naissance de ma fille et J’emmerde Cendrillon évoque mon divorce et, entre autres, la gestion de mes enfants au quotidien. Quant au deuxième choix, c’est celui d’arrêter la télévision pour me jeter à corps perdu dans cette aventure du «seule en scène».

OFF: Le fait d’avoir tourné dans le téléfilm Handigang pour TF1 a-t-il servi de déclic?
AS Pas seulement… Je n’ai jamais rêvé de cinéma ou de devenir comédienne. J’ai aimé profondément ce métier d’animatrice que j’ai fait pendant près de 20 ans. J’ai reçu quelques propositions au cours de ma carrière, mais je n’ai jamais sauté dessus… Ce film m’a pourtant montré qu’on pouvait faire des choses intelligentes à travers la fiction. Je vous ai dit, au début de l’interview, que je suis en quête de sens aujourd’hui. Ce rôle-là en avait justement, je savais qu’il allait résonner dans la tête des gens… C’est juste une question de maturité et de choix au bon moment.

Alessandra Sublet aime être seule et elle est capable de partir six ou sept heures en randonnée, sans son portable. «J’ai toujours eu ce besoin de vivre dans un cocon, entourée de nature.». Photo : FRANÇOIS ROELANTS

OFF: Est-ce compliqué de passer du rôle d’animatrice à celui de comédienne?
AS: Le plus difficile, c’est de vous dire que vous avez raison d’être là… Mais le fait d’avoir écrit ce texte, d’avoir travaillé pour ça, m’aide beaucoup dans cette quête de légitimité. J’ai aussi de la chance de collaborer avec une metteuse en scène extraordinaire, Anne Bouvier. Elle a déjà remporté plusieurs Molières, elle est passée par le Conservatoire… Avec elle, je reprends les bases qu’on apprend certainement dans une école. Là, je le fais en direct, avec elle, et c’est merveilleux. Je crois que je vais beaucoup aimer le théâtre…

OFF: Vous avez l’habitude de présenter des émissions en direct, parfois avec l’aide d’un prompteur. Qu’est-ce qui change avec une scène de théâtre?
AS: Je n’ai jamais été adepte du prompteur, mais c’est vrai qu’on l’a, la plupart du temps… En fait, la plus grande différence, c’est que je vais pouvoir voir les spectateurs et m’adresser directement à eux. Je suis vraiment très heureuse d’aller à la rencontre des gens. Ce qui peut aider, c’est qu’un animateur TV est, de fait, un bon orateur. Mais, attention, cela ne fait pas de vous un bon comédien! Et, quand je vois le travail que je fais avec Anne, j’ai d’autant plus de respect pour tous les artistes que j’ai reçus ou interviewés et je suis très heureuse de prendre la route de l’apprentissage de ce métier. Je n’ai jamais rêvé de cinéma, mais je suis en train de me prendre au jeu du jeu. Or, le théâtre est l’essence même du jeu.

OFF: Pourquoi avoir choisi Avignon pour se lancer? C’est quand même la Mecque du théâtre…
AS: Mon producteur m’avait laissé deux choix: celui du risque ou celui de la douceur. En me proposant ça, il savait très bien quelle voie je choisirais. (rires) Avignon, c’est un risque du fait de la notoriété que m’a apportée mon métier d’animatrice: je serai jugée plus vite que les autres. Si les gens n’adhèrent pas, tout peut s’arrêter net. Mais, d’un autre côté, si ça marche, c’est à Avignon que cela se passera… Je suis fière d’avoir été prise dans ce festival. Ce n’était pas gagné d’avance, il a fallu que je présente le texte et qu’il plaise au directeur du Chêne Noir, Julien Gelas. J’ai apprécié la discussion que nous avons eue: il a compris que ma démarche était saine et que je mettais le pied dans un métier qui n’est pas le mien avec une totale humilité.

OFF: À quoi peut-on s’attendre avec ce spectacle? À du stand-up…
AS: Je n’ai aucune vocation à devenir humoriste et je n’ai pas cherché à faire des vannes, parce que je ne serai pas drôle. (rires) J’ai écrit un texte avec mon cœur, qui parle des injonctions de la société, des risques et des choix que l’on peut faire dans la vie, et je me suis permise d’y apporter des bribes de ma vie personnelle ou professionnelle pour nourrir cette réflexion. Ce n’est ni autobiographique, ni féministe. Ce spectacle peut toucher aussi bien les femmes que les hommes. Et on peut s’attendre à des rires moqueurs, me concernant, car il m’arrivera souvent de me désavouer pour essayer d’éclairer des situations que nous avons tous vécues un jour ou l’autre et qui amènent à des choix de vie.

OFF: Dans votre deuxième livre comme dans ce spectacle, vous parlez beaucoup de succès. Pour vous, c’est quoi, le succès?
AS: C’est ce qui amène à l’épanouissement de soi, c’est cette accumulation de choix que vous avez faits dans la vie et qui fait que vous vous sentez pleinement heureux et heureuse.

OFF: À l’antenne, vous avez une image joyeuse et spontanée. Dans vos livres, on découvre une femme qui doute d’elle-même et qui pleure beaucoup. Qui est la vraie Alessandra?
AS: Il m’est arrivé de sourire à l’antenne, parfois dans un contexte difficile, parce que mon métier consiste à donner de la bonne humeur aux gens. Le divan du psy n’a pas sa place sur un plateau de télévision. Mais, si vous me rencontrez demain, vous ne serez pas étonné par ce que je dis ou par ce que je transmets, parce que je ne me suis jamais travestie. Je vous donne un exemple… J’aime être seule. Je suis capable de partir six à sept heures en randonnée, sans mon portable. Cela me donne un sentiment de plénitude total. J’ai toujours eu besoin de vivre dans un cocon, entourée de nature. Je ne suis donc pas quelqu’un de très sociable, je ne suis pas mondaine pour un sou. Si je sors quatre fois par année, c’est beaucoup. Ce qui fait rire mes amis, parce que cela me demande un effort vestimentaire. (rires) Je me suis affranchie de tout cela aujourd’hui. J’ai 46 ans et j’ai choisi de vivre plus naturellement.

OFF: Vous avez réalisé deux documentaires sur le footballeur Antoine Griezmann et
le basketteur Tony Parker. Pourquoi avoir choisi ces deux champions-là?

AS: Je tenais à ces documentaires, parce que ces deux parcours sont des exemples pour tous les jeunes qui ont envie de toucher leur rêve des doigts. On n’est pas dans le voyeurisme, mais dans la transmission. C’est d’ailleurs ce qui a touché Antoine et Tony… Aujourd’hui, il n’y a rien qui justifie que quelqu’un n’aille pas au bout de ses envies. Ils en sont la preuve. Cette idée de transmission m’a tenue en haleine tout au long de l’écriture de mon spectacle. J’ai envie que les gens, quand ils sortiront du théâtre, se disent: oui, tout est possible!

INTERVIEW

– Alessandra Sublet

Alessandra Sublet

1976 Naissance le 5 octobre à Lyon.
1997 Fait ses débuts à Radio Nostalgie
2006 Elle rejoint la chaîne M6 et anime deux programmes emblématiques: Incroyable talent et L’amour est dans le pré.
2009 Transfert chez France Télévisions. Elle présente le talk-show C à vous sur France 5 jusqu’en 2014, puis l’émission Fais-moi une place.
2012 Naissance de sa fille, Charlie. Son fils, Alphonse, arrive deux ans plus tard.
2015 Arrivée sur TF1.
2018 Présente C’est Canteloup tous les soirs du lundi au vendredi.
2019 Devient membre du jury de l’émission Mask Singer.
2022 Joue dans le téléfilm de Stéphanie Pillonca: Handigang.
2023 Présente son «seule en scène» au Théâtre du Chêne Noir à Avignon: Tous les risques n’auront pas la saveur du succès.
1976 Naissance le 5 octobre à Lyon.
1997 Fait ses débuts à Radio Nostalgie
2006 Elle rejoint la chaîne M6 et anime deux programmes emblématiques: Incroyable talent et L’amour est dans le pré.
2009 Transfert chez France Télévisions. Elle présente le talk-show C à vous sur France 5 jusqu’en 2014, puis l’émission Fais-moi une place.
2012 Naissance de sa fille, Charlie. Son fils, Alphonse, arrive deux ans plus tard.
2015 Arrivée sur TF1.
2018 Présente C’est Canteloup tous les soirs du lundi au vendredi.
2019 Devient membre du jury de l’émission Mask Singer.
2022 Joue dans le téléfilm de Stéphanie Pillonca: Handigang.
2023 Présente son «seule en scène» au Théâtre du Chêne Noir à Avignon: Tous les risques n’auront pas la saveur du succès.